Une nouvelle identité pour une nouvelle saison

Pascal Colrat photographié par Mélina Faget

Dialogue croisé entre Pascal Colrat et Michaël Dian, directeur de l’Espace Culturel de Chaillol.

Michaël Dian : Je connais le travail de Pascal Colrat depuis plus de quinze ans, que j’ai découvert à l’occasion d’une exposition importante organisée à Paris, par le Centre Pompidou. J’avais été si profondément touché par son regard, sa manière de dire le monde, d’en proposer une lecture poétique autant que critique, que j’avais eu envie de le rencontrer pour lui parler du festival de Chaillol, pour lequel j’ai cherché très tôt les moyens d’une communication qui soit aussi un geste de création. 

Pascal Colrat : Lorsque j’ai rencontré Michaël, j’ai très vite senti qu’il avait compréhension intime de mon travail, des enjeux formels et poétiques qui sous-tendent mon geste, une communauté d’esprit. Comme lui, je suis impliqué dans un geste artistique mais qui doit avoir un sens dans le monde qui est le nôtre, complexe et parfois violent, mais qui a toujours autant besoin de poésie. Après l’École des Beaux-Arts, j’ai choisi l’affiche, comme support principal de mon travail. Cela permettait de m’extraire du white cube, de la galerie d’art, et d’aller au coeur de la cité, dans les couloirs du métro, dans les abri-bus. Faire une affiche pour un lieu, pour un festival, c’est être à la croisée de la communication et de la création. Il n’est pas besoin de renoncer à la poésie pour être efficace sur la plan de l’information…

MD : Je n’ai pas cessé d’admirer le travail que Pascal réalise pour les plus grandes institutions, la presse - ses unes pour Libération sont parmi les plus fortes que ce journal ait publiées et ses affiches pour le Tarmac rythment les couloirs du métro parisien… Ces dernières années, Pascal avait conçu les affiches des trois dernières éditions du festival de Chaillol, en créant « La Flèche » (2012) , puis « Nous Sommes Ici » (2013), compositions de belle envergure créées lors de résidence dans les Hautes-Alpes avec la collaboration actives des habitants et des touristes de la vallée et réalisées avec les matériaux naturels prélevés in situ, photographiés dans le paysage dans lequel ils sont parfaitement inscrits. Pour 2015, nous réfléchissions à faire évoluer cette collaboration…

PC : Michaël m’a téléphoné peu de temps après avoir vu la publication, sur les réseaux sociaux, de dessins que je réalise quotidiennement. Ce geste, techniquement beaucoup plus simple qu’une image photographique ou qu’une installation, est une respiration nécessaire dans mon travail de photo-graphiste, presqu’une hygiène quotidienne… C’est aussi un retour aux sources, une simplicité revendiquée mais par laquelle je continue d’explorer la même perspective métaphorique, la même recherche poétique et critique, que dans mon travail d’affichiste. 

MD : Comme toujours avec Pascal, dont les fulgurances me laissent toujours admiratifs, tout s’est décidé très vite, au cours d’un dîner à Paris, le temps de vérifier que nos intuitions concordaient. En voyant le premier dessin sur internet, j’ai su que cette sobriété, cette quasi-nudité, dans les moyens formels, ce retour au noir et blanc, correspondait parfaitement à ce qui est au fondement du projet de l’Espace Culturel de Chaillol, qui recherche la plus grande portée d’un geste artistique dans la mise en oeuvre des moyens les plus justes. Les images de Pascal que nous avons sélectionnées sont toujours ouverte, polysémique, pleine de tendresse aussi sur ce qui nous entoure. Elles disent les valeurs que nous portons, et proposent une certaine idée de l’Art dans l’espace public. J’espère que cette orientation nouvelle de notre communication réjouira les spectateurs de nos concerts et amènera certains à tendre l’oreille pour percevoir la délicate mélodie qui traverse les dessins de Pascal.

Affiche "L'homme qui ne voyait pas l'essentiel" pour le WEM#1 réalisée par Pascal Colrat et Mélina Faget